Le capitalisme déstabilise inexorablement l’économie. Cette situation a empiré depuis la fin des années 1970. Les inégalités augmentent rapidement, les plus riches voyant leurs revenus croître très vite par rapport au reste de la population des pays développés. 

L’épargne excessive des ultra-riches

Un seul graphe concentré sur les Etats-Unis montre l’ampleur du problème de répartition des revenus :

Les bénéficiaires du capitalisme deviennent ultra-riches et jouissent d’une épargne excessive qu’ils investissent partout où ils peuvent : en actions, bons d’Etat et surtout là où ils habitent, dans les plus grandes métropoles du monde, faisant grimper les prix l’immobilier à des niveaux inconnus. Ce phénomène de surépargne (déjà identifié par Keynes à son époque), issu des inégalités de revenus trop importantes, se répercute au-delà des 1 % les plus riches disposant de revenus qu’ils ne peuvent consommer tant ils sont élevés.

Les 10 % à 20 % les plus riches épargnent également de manière excessive non pas parce qu’ils ne pourraient pas dépenser leur fortune mais par simple peur du lendemain, du capitalisme et de ce chômage possible, par un besoin de sécurité qui progresse au fur et à mesure que la peur de se retrouver du côté des laissés-pour-compte augmente. L’épargne, quand elle devient si élevée et qu’elle déprime la consommation, est le symptôme non pas d’une économie positive mais de la peur et la cupidité des acteurs.

Une dette impossible à rembourser

La solution trouvée a été d’endetter les acteurs plutôt que de rééquilibrer les inégalités. Cette dette qui recycle l’épargne en excès permet de conserver un niveau de consommation suffisant certes, mais pose de larges problèmes de paiement des intérêts et de remboursement. Surtout, elle oblige les banques centrales à diminuer progressivement mais sûrement leur taux d’intérêt directeur pour éviter une crise insoluble d’endettement. En effet, cette dette colossale est impossible à rembourser.

Une nouvelle crise de dette excessive surgira bientôt, plus grave encore que les précédentes.

Depuis 40 ans maintenant, pas un seul grand pays n’arrive à se défaire de cette dette qui grossit sans fin. Les dettes publiques ne pourront jamais être remboursées en réalité, sauf à voir apparaître une inflation forte qui les réduise en valeur réelle à peu de chose. L’action des banques centrales participe bien sûr aux bulles immobilières ; la baisse sans fin de leur taux d’intérêt fait monter les prix de l’immobilier et oblige les nouveaux acquéreurs à encore plus d’efforts d’épargne, déprimant encore plus leur consommation. Une nouvelle crise de dette en excès surgira bientôt, plus grave encore que les précédentes.

Une rupture de l’équilibre entre consommation et épargne

La solution keynésienne célèbre préconisée pour sortir de ce déséquilibre entre consommation et épargne est la relance par des grands travaux publics, financés par l’endettement de l’Etat qui réintègre donc l’épargne excédentaire dans la production et la consommation. Cette solution appliquée au XXe siècle ne fonctionne plus de nos jours, simplement parce que le capitalisme l’empêche. Une partie importante des dépenses publiques d’investissement est captée sous forme de profits, de salaires élevés d’une minorité de managers et donc d’épargne massive.

Le capitalisme neutralise l’effet positif de relance de la consommation par l’endettement public. Les grands travaux n’ont plus suffisamment d’effets pour limiter la surépargne. Le problème se trouve au niveau de l’équilibre macro-économique entre consommation et épargne et il ne peut plus être relancé par les grands travaux.

Pour une relance économique vertueuse

La méthode la plus efficace pour les rééquilibrer directement est simplement la hausse des ressources des plus pauvres (qui consomment la quasi-totalité de leurs ressources, puisque leur épargne est presque nulle). Et pour augmenter les ressources des plus pauvres de manière significative, quoi de mieux qu’un revenu de base significatif ?

La solution nouvelle des Etats et des banques centrales lors d’un prochain krach économique sera de simplement distribuer un revenu de base significatif que tous pourront consommer, soutenant ainsi la production et les prix de production.

La relance économique serait vertueuse, par un équilibre entre consommation et épargne à piloter et obtenir par cette stratégie, avec peut-être enfin un niveau d’inflation suffisant pour remettre la machine financière entière dans la bonne direction.

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Cet article engage son auteur et non le MFRB dans son ensemble.

Sébastien Groyer : Expert du capitalisme, docteur en philosophie de La Sorbonne (thèse sur le capitalisme et l’économie de marché), investisseur en capital-risque depuis 15 ans et fondateur du mouvement Equinomy, membre du MFRB.

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Sébastien Groyer publie Destins du capitalisme, Le Quaternaire avec un lancement innovant sur la plate-forme KickStarter le 6 novembre 2017.

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