L’annonce récente d’un projet d’expérimentation de “revenu universel” à Paris a surpris et intéressé beaucoup de monde. Pourtant cette résolution avait été discutée puis votée au Conseil de Paris lors de la mandature précédente, en novembre 2019. Des membres du MFRB avaient pu assister à cette séance du Conseil de Paris et en avaient fait une restitution.

Dimanche 17 janvier 2021, Léa Filoche, adjointe à la maire de Paris en charge des solidarités, de la lutte contre les inégalités et contre l’exclusion, a annoncé sur CNEWS que la mairie de Paris envisageait de lancer une expérimentation de “revenu universel”. Il s’agirait en réalité d’une sorte de revenu minimum garanti, un véritable revenu universel étant difficilement expérimentable au niveau d’une municipalité.

Le projet serait coconstruit via une “conférence de citoyen·nes”, outil de démocratie participative déjà plusieurs fois employé par la mairie de Paris. Pour Paris, les conférences de citoyen·nes sont gérées par l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP). La procédure passe par différentes étapes, dont la constitution d’un comité de pilotage et d’un comité de suivi, le choix du prestataire et la sélection d’un groupe de citoyens.

Le vote au Conseil de Paris en 2019

A l’origine de ce projet, une proposition de délibération portée par le groupe Génération.s au Conseil de Paris le 14 novembre 2019 lors de la mandature précédente, portant sur “l’organisation d’une conférence de citoyen·nes afin de construire une expérimentation d’un revenu universel à Paris”. La majorité des groupes (de l’extrême gauche au centre-droit) s’étaient déclarés favorables à cette proposition, l’UDI-Modem s’étant abstenu et Les Républicains ayant voté contre. Anne Hidalgo l’avait ensuite reprise dans son programme de campagne pour les municipales de 2020.

La grande majorité des groupes présents à cette séance du Conseil de Paris s’étaient prononcés en faveur du revenu de base principalement en raison de l'augmentation du nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté dans la ville. Si on en croit les interventions des différents groupes lors de cette séance, le revenu universel est perçu comme un outil de lutte contre la pauvreté, une « aide » sociale automatisée qui a le mérite de solutionner le problème du non-recours. Jérôme Gleizes, lors de l’intervention du groupe écologiste, puis Léa Filoche en conclusion des interventions de groupes, avaient néanmoins tenu à rappeler que le revenu universel est également un outil d’émancipation, permettant des reconversions ou des pauses dans le parcours professionnel.

Vote du Conseil de Paris pour une conférence de citoyen.ne.s sur l’expérimentation d’un revenu universel dans la capitale, le 14 novembre 2019. Solenne Vaulot Morel, pour le MFRB.
Vote du Conseil de Paris pour une conférence de citoyen.ne.s sur l’expérimentation d’un revenu universel dans la capitale, le 14 novembre 2019. Solenne Vaulot Morel, pour le MFRB.

Le projet d’expérimentation

Léa Filoche, spécialisée dans les questions de solidarité à la Ville de Paris, vice-présidente du centre d’action sociale de la Ville de Paris (CASVP), avait présenté le projet en exposant le problème du non-recours aux aides sociales de la ville de Paris. Celles-ci, au nombre de 33, sont peu lisibles, peu visibles et ne sont donc pas utilisées dans leur totalité. Or le CASVP dispose pour ces aides spécifiques d’un budget propre de 250 millions d’euros annuels, totalement indépendant des aides d’État. C’est ce budget qui pourrait servir à financer l’expérimentation d’un revenu universel, qui n’aurait donc pas besoin d’être financée par l’État.

Madame Filoche avait pris comme exemple l’expérimentation portée par la ville de Grande-Synthe (un minimum social garanti pour les ménages défavorisés, ajouté aux minimums sociaux existants) et la ville de Grenoble, qui a mis en place une aide automatique à la facture d’électricité.

Concrètement, le projet d’expérimentation ne répondrait pas exactement au terme « universel », puisqu’un budget de 250 millions d’euros ne permettrait pas de donner une somme significative à tous les Parisiens. D’autant qu’il ne s’agit pas de spolier les bénéficiaires actuels de ces aides : le projet nécessitera un affinage de ce budget en utilisant seulement la partie non utilisée ou « mal utilisée ». L’idée est donc plutôt, à la manière de l’expérimentation de Grande-Synthe, de compléter les minima sociaux existants pour atteindre un revenu décent.

Concernant la mise en pratique de cette expérimentation, la question se pose de sélectionner soit un échantillon de population, soit un territoire. Léa Filoche s’orientait plutôt vers la deuxième solution et pensait à l’époque aux Chaufourniers, dans le 19e, l’arrondissement dans lequel elle est élue. Elle avait déjà pensé à ce quartier pour y expérimenter le dispositif « Territoire zéro chômeur » d’ATD Quart Monde, mais la population, composée d’un nombre important de jeunes et de retraités, ne correspondait pas aux prérequis du projet (qui s’adresse aux chômeurs de longue durée).

Portée sociale et politique

Socialement, la portée de cette expérimentation du revenu universel serait relativement limitée. « Encore faut-il que le budget suive » avait mis en garde Danielle Simonnet, du groupe La France Insoumise (LFI) lors de la séance du 14 novembre 2019. Les collectivités sont en effet soumises à un cadre budgétaire strict, et même en admettant que le budget dégagé pour cette expérimentation soit conséquent, seul un échantillon de Parisiens pourrait en bénéficier.

Mais par ailleurs, ce projet d’expérimentation est très prometteur. Il permettrait en effet de repenser les dispositifs sociaux de la Ville pour les rendre plus efficaces. À plus long terme, il offrirait aussi l’opportunité d’étudier scientifiquement les conséquences de l’attribution d’un revenu automatisé (à défaut d’être vraiment universel). Rappelons que pour le moment, la seule étude sérieuse sur le sujet est celle d’Evelyn Forget (Université de Manitoba) dans les années 70 sur le projet Mincome de la ville de Dauphin, au Canada.

Léa Filoche avait également indiqué vouloir solliciter, en parallèle de cette conférence, une Mission d’Information et d’Évaluation du Conseil de Paris (MIE). Les MIE réunissent tous les groupes politiques du Conseil et travaillent pendant six mois, à raison d’un après-midi par semaine, sur un sujet donné. Si elle a lieu, cette mission pourrait fournir là encore une expertise complète sur le revenu universel et sa possible mise en place.

Ce vote du Conseil de Paris, passé relativement inaperçu à l’époque, devrait donc se concrétiser en 2021. D’après Léa Filoche, si les conditions le permettent, la conférence de citoyen·nes sur une expérimentation de “revenu universel” à Paris aura lieu au 2nd semestre de cette année. A suivre...

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