Pour la journée mondiale du refuse de la misère ce jeudi 17 octobre, l’association lilloise PRUN (Pour un Revenu Universel Nord) a animé une table ronde avec des représentants d’ATD Quart Monde, du Droit Au Logement, de AC ! Agir contre le Chômage et des personnes expertes du sujet : celles qui vivent la misère, financière et sociale.

Virginie Deleu présente l’association PRUN, ancien groupe lillois du MFRB et rappelle la définition d’un Revenu de Base : donner à chacun.e, de sa naissance à sa mort, suffisamment pour vivre ! En regardant les effets des expérimentations partout dans le monde, on voit que ce levier, simple et efficace, assure d’abord un socle de sécurité matérielle, assurant les besoins de survie comme la nourriture, les vêtements, un abri, des soins…

Aussitôt vient un soulagement psychologique, lié à une baisse énorme de la charge mentale : ne plus angoisser, ne plus compter au centime près, ne plus surveiller son compte chaque jour… Cette simplicité permet un meilleur sommeil, une baisse radicale du stress et de ses conséquences sur la santé, et une projection plus confiante dans l’avenir. D’ailleurs, les postes de dépenses changent : les familles vont investir en priorité sur les enfants en améliorant la nourriture, l’habillement et surtout leur scolarité et l’habitat. Puis viennent le travail (formation, matériel… ) et les cadeaux aux proches. Enfin, la culture et les voyages.

Cette nouvelle autonomie restaure l’estime de soi, permet de s’accepter et de retrouver son intégrité et sa dignité. Le fait d’être reconnu comme membre d’une communauté et considéré dans ses besoins essentiels, apporte une confiance en soi, dans les autres et le collectif. Très vite aussi, les bénéficiaires réinvestissent la “Valeur Travail”. En effet, ils questionnent leur emploi et surtout son sens. Loin des préjugés, les besoins de se sentir utile, de rencontrer des gens, d’évoluer… poussent à s’impliquer : soit encore plus dans leur métier car ils en revalident le choix, soit en travaillant moins pour diversifier leurs activités, ou en se mettant à son compte pour respecter son rythme. La recherche d’emploi est plus sereine et plus efficace. Au final, on travaille plus et mieux parce que tout ce qui est subi entraine résistance et évitement parce que l’être humain aime sa liberté, alors que quand on choisit, on s’investit ! C’est ainsi toute la dynamique économique qui se relève, y compris dans des domaines “non rentables” comme le sport, la culture ou la recherche. Et cet élan va surtout bénéficier aux territoires ruraux qui vont voir revenir ceux qui ont besoin d’air, d’espace et qui vont recréer des réseaux locaux de production-consommation (voir l’expérimentation TERA dans le Lot-et-Garonne qui essaime partout en France).

Enfin, comme ce revenu est une façon de reconnaitre et d’accueillir chaque individu comme un membre de la communauté, il témoigne d’une base de justice et de cohésion. Ce nouveau contrat social pacifie les relations car on constate moins de délinquance, moins de violences conjugales et moins de consommation d’alcool… Tout naturellement, ces citoyens reconsidérés, vivant plus d’appartenance, ont envie de plus s’investir, de mieux coopérer et partager. Ainsi, les gens votent plus et s’impliquent plus bénévolement, dans le réseau associatif, syndical, politique… Les 2 catégories qui bénéficient le plus de ce levier d’émancipation sont les femmes et les jeunes, tant dans la sphère familiale que professionnelle.

Et le MFRB présentera bientôt aux candidats à la présidentielle un rapport, avec un déroulé clé en main sur 5 ans pour installer un Revenu de Base en 1 quinquennat ! Aucune excuse, c’est non seulement réaliste et réalisable mais plus que jamais nécessaire pour refonder notre communauté !

Bernard Vanderbüncher présente ATD et rappelle que, pour lutter contre la pauvreté, on a besoin de connaitre le sujet, avec des chercheurs et des professionnels mais surtout avec les personnes qui la vivent elles-mêmes. Le coeur de la pauvreté est la perte du pouvoir d’agir, le fait d’être complètement dépendant des autres, d’où une souffrance psychologique et un combat quotidien pour survivre. Au-delà du revenu qui induit des privations matérielles et sociales, ce qui est très dur est le fait que les compétences ne sont pas reconnues, mais aussi le mépris social et la maltraitance institutionnelle, notamment par la fracture numérique. ATD défend des expérimentations diverses autour de l’école, du travail (Territoires zéro chômeurs longue durée…)… et pourquoi pas sur le Revenu de Base aussi, tout en défendant aussi un accompagnement des personnes et un accès au travail (emplois ou activités bénévoles) pour trouver du sens à sa vie, des relations…

Corentin Desfontaines, militant au DAL, se bat pour défendre le droit au logement, reconnu dans la loi du même nom : DALO et par l’ONU depuis 1976 ! Nous nous attaquons au mal logement (vivre dans des conditions indignes), au sans-abrisme et dénonçons le taux d’effort (la pression qu’exerce le loyer sur les revenus) en réunissant des collectifs de locataires au niveau national comme local. Quelques chiffres éloquents en France : 4,2 millions de mal logés, et 1 Français sur 6 (12 millions fragilisés, 2,7 millions qui attendent un HLM sur 72 000 mises en service, soit 2% d’offre par rapport à la demande, 400 000 personnes à la rue… Et de l’autre côté, 3 millions de logements vacants ! Et ce problème impacte l’alimentation, l’éducation, l’insertion professionnelle… Les expulsions locatives comme la privatisation des bailleurs sociaux accroissent leurs difficultés à s’organiser

Serge Havet parle au nom d’AC ! et s’insurge sur ces droits fondamentaux qu’il défend depuis des décennies et qui ne sont toujours pas respectés : “Combien de journées contre la misère encore???!!!” Il rappelle les articles 23 et 25 dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui citent le ” libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage” et “un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement …”. Il raconte plusieurs situations qui nous montrent que tout le monde peut, un jour, perdre pied et se retrouver à la rue et que la machine administrative oppose des humains aux humains en se cachant derrière des “on ne peut pas accueillir toute la misère du monde” ou “Je ne fais que mon boulot”. Serge nous rappelle qu’on ne peut pas vivre avec les minima sociaux : le RSA est à 580 euros par mois, l’ASS à 750 euros, le minimum vieillesse à 1034 euros et l’AAH à 970 euros. Des locataires se retrouvent au tribunal sans avoir jamais tué ni volé, juste parce qu’ils en peuvent pas payer leur loyer. AC ! défend l’idée d’un Revenu de Base à la hauteur du SMIC actuel qui sera ré-évalué à 1600 euros minimum, avec le maintien des droits comme l’APL et l’interdiction des expulsions et des radiations à Pôle Emploi. Les 3 D revendiquent un emploi Digne, Décent et Durable, à 32 heures pour partager le travail comme les richesses. L’abrogation de la TVA sur les produits de 1ère nécessité et l’extension de la CMU jusqu’au SMIC. Il raconte même avoir reçu des insultes sur les réseaux sociaux suite à une opération de sensibilisation dans un supermarché et conclut qu’il faut convaincre l’opinion publique qui ne réalise pas les conditions de survie d’un.e “bénéficiaire” qui vit en-dessous de 7,80 euros par jour, toutes dépenses comprises.

Marie-France témoigne : elle reçoit l’Allocation Adulte Handicapée et elle était logée avec son copain chez sa belle-mère qui l’a mise à la porte quand elle n’a plus pu lui extorquer son allocation. Elle s’est retrouvée à la rue où elle se cachait derrière des arbres pour éviter d’être agressée. Après une hospitalisation, elle a été prise en charge par un foyer logement où elle paye un loyer qui augmente chaque année selon le taux d’INSEE… une charge mentale énorme !

Catherine n’a jamais eu d’emploi mais vit de plusieurs logements qu’elle loue à des personnes qui ont peu de revenus et qui reçoivent l’APL… Elle dénonce certains locataires qui disparaissent un jour, sans prévenir, en emportant tout ce qu’ils peuvent démonter : les sanitaires, les petits meubles, les portes, les fenêtres et même la rampe d’escalier ! Ses loyers lui permettent de faire entre 50 et 70h de bénévolat par semaine ! Elle nous raconte comment elle fait aimer l’opéra ou le musée des Beaux Arts à des personnes qui n’ont jamais osé y entrer… parce que la misère, c’est aussi un cloisonnement culturel ! Elle fait un choix de vie très économe financièrement, ne se chauffe pas, se déplace partout en vélo… mais quelle richesse humaine !

Nous nous sommes quittés avec le projet de réunir les associations lolloises volontaires et impliquées sur le sujet pour interpeller ensemble les canditats aux élections municipales avec des questions aussi précises que vitales : comment éradiquer la misère sous tous ses aspects… et, enfin, exaucer Victor Hugo qui voulait éradiquer la misère après avoir visité les caves de Lille…

à suivre 😉

PRUN