Contribution d’Isabelle Doresse*,  d’ATD Quart Monde

*Chargée de mission sur les questions de revenu, Auditionnée par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) qui a émis un avis contre le Revenu Universel d’Activité (RUA) du président Macron : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042046129/

Un revenu de base, solution pour mettre un terme à la misère ?

Pour que la mise en place d’un revenu de base soit un projet de lutte contre la pauvreté, le mouvement ATD Quart Monde est convaincu qu’il doit être pensé et expérimenté en associant les premiers concernés. Nous pourrons alors comprendre, tous ensemble, dans quelles conditions cela peut être une chance pour les plus défavorisé-es et changer des vies. Nous pourrons aussi en cerner les risques pour mieux y parer.
Vivre dignement aujourd’hui, ce n’est pas seulement une question de revenu suffisant, c’est avant tout se sentir respecté-e.

Aujourd’hui, le RSA ...

Insuffisant pour vivre …

Soulignons d’abord que le niveau de minimas sociaux, et notamment du Revenu de Solidarité Active (RSA), ne permet pas de vivre, mais seulement de survivre.

En 1988, le RMI a été instauré à 50% du SMIC, aujourd’hui, le RSA en représente moins de 40%.

De plus, les frais liés au logement ont tellement augmenté qu’il ne reste quasiment plus rien pour les dépenses du quotidien. Avec l’arrêt des cantines et des distributions alimentaires, le confinement a été pour certains une vraie crise de la faim. Or toutes ces personnes aspirent à vivre dignement, comme tout le monde, sans l’angoisse permanente du lendemain, sans devoir rogner sur les dépenses de santé, de transport, sur la culture, les loisirs … et surtout, pouvoir anticiper, se projeter dans l’avenir.
Comme les minimas sociaux aujourd’hui sont attachés aux revenus des ménages, de nombreuses ruptures de versement  sont liées à des évolutions de la structure familiale (les 18 ans d’un enfant, la séparation des parents...). Allocation différentielle, le RSA a un montant plafonné qui varie, réévalué tous les trois mois selon les ressources de la famille. Cette instabilité et le peu de lisibilité renforcent l’insécurité des familles en précarité.

...et stigmatisant

Enfin, lorsque l’on perçoit le RSA, on est très vite suspect-e :  de ne pas vouloir travailler, de se complaire à vivre aux crochets des autres, de frauder en dissimulant des revenus ou en mentant sur sa situation familiale... Les personnes en situation de pauvreté savent que celui qui ne travaille pas risque toujours plus d’être humilié, méprisé, dépendant du bon vouloir des autres et elles le refusent obstinément. Elles ne veulent pas renoncer à l’emploi et contribuent souvent à la cohésion sociale par le soutien à d’autres encore plus en difficulté : des engagements bénévoles, l’hébergement de celui qui se retrouve à la rue…

Demain, le Revenu de Base

La simplification des démarches

Avec un revenu versé à chacun-e et de manière automatique, les démarches seront simplifiées, ce qui évitera la complexité des dossiers et l’humiliation de demander, rappelons qu’un tiers des personnes éligibles au RSA renoncent à le réclamer !

Un droit inconditionnel

ATD Quart Monde se bat pour l’accès de tous aux mêmes droits, dont celui, établi dès le préambule de la constitution de 1946, d’avoir des moyens convenables d’existence, assurés prioritairement par les revenus de l’activité. Si le revenu de base est un droit, il ne peut être conditionné par une recherche d’emploi ou l’accomplissement de différents devoirs par la personne qui le reçoit, comme le sont aujourd’hui les minimas sociaux.

Un droit attaché à la personne… dès 18 ans !

Le Revenu de Base devra donc être individuel, simple, lisible et respectueux de la vie privée de chaque citoyen.Sans oublier les Jeunes ! L’insécurité financière à laquelle ils sont confrontés les pénalise pour pouvoir bâtir leurs projets. Le fait que certains se retrouvent sans aucun revenu entre 18 et 25 ans aujourd’hui est un vrai gâchis pour la société, qui les décourage et se prive de leur créativité.

Mais pour lutter contre la pauvreté, on ne peut pas parler seulement de revenu

Il faut associer les personnes concernées et ne pas oublier les autres droits

Garantir à chacun un minimum de sécurité financière ne suffit donc pas : le droit à des moyens convenables d’existence ne peut être dissocié des autres « droits fondamentaux »  comme le logement, la santé, l’éducation, la formation, l’emploi et la culture. Sans eux, l’égale dignité est un leurre.

De même, trouver sa place dans le monde du travail et dans la société nécessite pour beaucoup un accompagnement par des personnes formées et respectueuses, à l’écoute des compétences, des savoirs, et des aspirations des personnes. Donner un revenu sans le garantir peut conduire à un isolement, voire à un enfermement pire que celui que beaucoup connaissent déjà.

Indissociables, la mise en œuvre de ces droits pour tous, doit être pensée dans une cohérence globale.

A ces conditions, oui, le revenu de base deviendra un élément essentiel, un pilier de l’accès de tous aux droits fondamentaux.