La semaine dernière, 35 économistes ont co-signé une tribune demandant à la Banque d’Angleterre et au Trésor britannique de mettre en place de nouvelles mesures afin de relancer la croissance. Parmi elles, le transfert direct d’argent aux citoyens.

Le 4 août, la Banque d’Angleterre a annoncé qu’elle allait baisser ses taux d’intérêts, une première depuis 2009. Le but est de soutenir la consommation, ce qui permettra (espèrent les banques) d’éviter une récession. Toutefois Mark Carney, qui dirige la Banque d’Angleterre, a indiqué qu’un ralentissement économique lui semblait inévitable dans la perspective du Brexit.

Bien que de nombreux économistes attendaient une telle décision de part de la banque centrale, certains s’y sont opposés, arguant que sept ans de politique de taux d’intérêt bas avaient déjà prouvé l’inefficacité de la mesure sur l’économie britannique. Le 3 août, la veille de l’annonce de la banque, le Guardian a publié une lettre ouverte signée par 35 économistes et adressée à Philip Hammond, chancelier de l’Échiquier (l’équivalent britannique du ministre des finances).
La lettre demande à la Banque nationale et au Trésor de prendre des mesures allant dans le sens d’un soutien direct de l’économie, et dessine plusieurs pistes :

La création d’argent par la banque centrale, versé dans un fonds d’investissement et de projets d’infrastructure, stimulerait l’économie. Cela augmenterait les revenus des entreprises et des ménages, et améliorerait au passage l’appareil productif du secteur public. Une autre piste serait le financement d’un crédit d’impôt ou d’un versement direct d’argent aux familles, augmentant alors immédiatement leur revenu disponible.
Chacun de ces scénarios représenterait une création monétaire pour l’économie réelle, ce qui stimulerait la demande et créerait de l’emploi. L’investissement et le taux de dépense augmenteraient également. S’il est à la charge du Trésor britannnique de construire le cadre d’application de telles politiques monétaires, la décision de leur application et de leur montant appartient au Monetary Policy Committee [conseil de politique monétaire].

Parmi les signataires figurent Guy Standing, coprésident et cofondateur du réseau mondial pour un revenu de base ; David Graeber, anthropologue en faveur du revenu de base ; Lord Robert Skidelsky, biographe de Keynes qui a également apporté son soutien au revenu de base ; Mark Blyth and Eric Lonergan, qui ont précédemment défendu les transferts directs d’argent ; et Steve Keen, à qui l’on doit l’expression « quantitative easing for the people » (assouplissement quantitatif pour le peuple).

Bon nombres de ces économistes étaient également signataires d’une lettre similaire, adressée l’an dernier à la Banque Centrale Européenne (BCE). Le texte exhortait la BCE à envisager d’autres voies d’action que le quantitative easing (assouplissement quantitatif), qui consiste pour rappel à créer de l’argent pour l’injecter dans l’économie financière et soutenir les marchés d’actions. La lettre demandait au contraire à la BCE d’utiliser cet argent pour stimuler efficacement la dépense, par exemple en versant l’argent directement aux citoyens.

En france, la campagne Quantitative Easing Pour le Peuple milite pour un meilleur fléchage de la création monétaire de la BCE, en direction des populations. L’initiative est soutenue par le Mouvement Français pour un Revenu de Base.

Bien que la lettre récente à Hammon n’ait pas encore eu d’effet sur la politique monétaire britannique, elle a mis en lumière les bénéfices économiques d’un principe fondamental du revenu de base : le transfert direct d’argent à la population. D’autres articles publiés ensuite par le Guardian, signés de Larry Elliott puis Simon Jenkins, détaillent à nouveau l’impact d’un transfert d’argent sur la dépense des ménages. Comme le dit Jenkins en conclusion, « on pourrait assister à des “jeux olympiques de la consommation”. On pourrait voir des bons d’achat, des incitations au remplacement d’équipements, et horreur suprême, de l’argent gratuit pour les pauvres. Pourquoi ne pas essayer ? Tout le reste a échoué. »

De même Ben Chu, dans son article de The Independent à propos des effets attendus d’une baisse des taux décidée par la Banque d’Angleterre, pose la question suivante : « Pourquoi la banque centrale ne créée-t-elle pas simplement de l’argent pour le distribuer directement aux ménages et aux entreprises ? » À propos de la lettre du 3 août, Chu fait remarquer qu’ « un nombre croissant d’économistes académiques déclarent que ce serait une façon plus efficace, moins biaisée, de soutenir l’économie. »

Sources :
« A post-Brexit economic policy reset for the UK is essential », The Guardian, 3 août 2016.
Larry Elliott, « Cash handouts are best way to boost British growth, say economists », The Guardian, 4 août 2016.
Simon Jenkins, « Want to avoid recession ? Then shower UK households with cash », The Guardian, 5 août 2016.
Ben Chu, « Interest rate cut : What did the Bank of England announce today and how will it affect you ? », The Independent, 5 août 2016.


Illustration : Bank of England, CC BY-SA 3.0 Diliff.

Adaptation française : Maxime Vendé.

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