Dans un monde où la course effrénée à la consommation et la croissance économique semblent être les seuls horizons possibles, certaines voix s’élèvent pour proposer une vision alternative de la société.
Parmi elles, celle de José “Pepe” Mujica, ancien président de l’Uruguay de 2010 à 2015 et qui nous a fait ses adieux ce 13 mai, a une tonalité particulière. Son parcours atypique et sa philosophie de vie offrent un éclairage inspirant sur les défis contemporains, et entrent en résonance avec les propositions soutenues par le MFRB.

José “Pepe” Mujica, le président paysan qui vivait avec peu
Ancien guérillero Tupamaro emprisonné pendant 14 ans durant la dictature militaire uruguayenne, Pepe Mujica est devenu une figure politique internationale grâce à une démarche de simplicité volontaire. Durant son mandat, il a refusé d’habiter le palais présidentiel et continué à vivre dans sa petite ferme en périphérie de Montevideo.
Il reversait près de 90% de son salaire présidentiel à des associations caritatives et à des projets de logements sociaux, pour ne conserver qu’environ 1 400 dollars mensuels car il jugeait cette somme suffisante pour vivre dans la dignité :

J’ai choisi cette vie. Je préfère vivre légèrement. La vraie liberté, c’est d’avoir du temps, pas de posséder beaucoup de choses.”

Fidèle à son activité de paysan, Mujica cultivait ses légumes, possédait une vieille Coccinelle et se refusait à posséder plus de biens matériels que nécessaire. Cette sobriété était pour lui une manière d’être libre, loin d’un travail aliénant pour entretenir un mode de vie consumériste et poursuivre un idéal matérialiste, qui détournent l’humain de l’essentiel.

Une critique radicale du modèle consumériste
La philosophie de Mujica va bien au-delà d’un style de vie personnel. Elle constitue une critique du système économique libéral :

Nous avons inventé une montagne de biens de consommation superflus, et il faut jeter et acheter, jeter et acheter. Ce qui nous oblige à vendre notre temps en échange d’un pouvoir d’achat. Quand on achète avec de l’argent, on n’achète pas avec de l’argent, on achète avec du temps de vie qu’on a dû dépenser pour avoir cet argent.”

Pour Mujica, la vraie richesse n’est pas matérielle : c’est avoir du temps pour vivre, aimer, s’engager collectivement…
Cette vision s’oppose au modèle de développement qui mesure la réussite à l’aune du PIB et de la consommation, et sacrifie au passage l’environnement et le bonheur humain.

Le MFRB : repenser notre rapport au travail et à la richesse
Ces réflexions trouvent un écho particulier dans les propositions du MFRB
Le revenu de base, tel que nous le défendons, consiste en effet à :

  • Garantir à chacun les moyens d’une existence digne, indépendamment de sa participation au marché du travail
  • Reconnaître la valeur des contributions non rémunérées (le « care », le militantisme associatif, les activités créatives…etc.)
  • Permettre à chacun de choisir plus librement ses activités, hors des contraintes de la nécessité économique.
  • Favoriser la transition écologique et libérer du temps pour des modes de vie plus sobres et des activités moins consommatrices de ressources.

Cette proposition repose sur une conception de la richesse qui dépasse sa simple dimension monétaire – une richesse qui inclut le temps libre, l’autonomie, les relations sociales et l’harmonie avec l’environnement.

Des visions complémentaires, pour un autre modèle de société

Les chemins de Mujica et du MFRB convergent sur plusieurs points :

1. La critique du productivisme
Mujica dénonçait un système qui “gaspille les ressources pour créer des besoins artificiels”. Le MFRB, de son côté, remet en question l’impératif de croissance infinie, et la place du travail rémunéré comme seule source de légitimité sociale.

2. La liberté par la suffisance
Pour Mujica, “être pauvre, ce n’est pas avoir peu, c’est vouloir toujours plus”…Le revenu de base incarne cette philosophie en offrant une base matérielle minimale mais suffisante, permettant de vivre dignement sans être absorbé par la recherche permanente de revenus.

3. La redéfinition de la richesse
Tous deux invitent à mesurer autrement la réussite – non plus en termes d’accumulation matérielle mais de bien-être global, de temps disponible et de vie sociale épanouissante.

4. L’émancipation individuelle et collective
Mujica affirmait que “le développement ne peut pas aller contre le bonheur, mais doit favoriser le bonheur humain”. Le revenu de base veut libérer les individus pour leur permettre d’exercer des activités qui ont du sens, et non liées à une question de survie économique.

Vers une transition écologique et sociale
La crise écologique actuelle exige de repenser nos modes de production et de consommation. La « sobriété heureuse » incarnée par Mujica et la sécurité économique assurée par un revenu de base, sont deux facettes d’une société plus soutenable. Selon le MFRB, le revenu de base pourrait faciliter :

  • le développement de l’économie circulaire et du réemploi,
  • la relocalisation d’activités économiques moins intensives en capital,
  • le développement de l’agriculture paysanne et des circuits courts
  • et la réduction du temps de travail contraint et des déplacements associés.

Conclusion : un héritage vivant pour les défis actuels
L’ancien président uruguayen nous rappelle que la sobriété peut être source de liberté plutôt que de privation. Quant au MFRB, il montre qu’une autre organisation économique, basée sur la redistribution des richesses mais aussi sur le temps libéré et l’autonomie, est possible.
Ce sont deux visions qui dessinent les contours d’une société où la poursuite du bonheur ne se ferait plus au détriment de la planète, où la sécurité économique ne dépendrait plus d’une croissance perpétuelle et où chacun pourrait, comme le disait Mujica, “avoir le temps de vivre les choses qui nous motivent.”
Face aux défis du XXIe siècle, ces idées ne sont pas des utopies mais des évidences qui s’imposent pour construire un monde plus juste et durable.

Le meilleur hommage que nous pourrions rendre à José Mujica, serait de mettre en œuvre à notre échelle, ces principes de sobriété et plaider en même temps pour des transformations systémiques – et le revenu de base en fait partie !