En fait ce simple calcul est un peu simpliste. Chacun de nous disposons de beaucoup de ressources, certes inégalement réparties et inégalement exploitées, pour contribuer au financement de nos conditions concrètes d’existence. Nous allons démontrer qu’il n’en coûterait rien au budget de l’État mais seulement un peu plus de solidarité de la part des personnes les plus aisées pour des bénéfices pour l’ensemble de la population.

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Les aides sociales : » Un pognon de dingue » !

Aujourd’hui les victimes du grand marché sont de plus en plus nombreuses (10 millions de personnes sous le seuil de pauvreté, 14 % de la population) et, crise après crise, devant une distribution de la richesse par la rémunération du travail de plus en plus erratique, l’État est contraint en dernier recours d’ajouter des aides aux aides et il en profite pour étendre son emprise sur ce qui reste de la Sécurité sociale, ce patrimoine commun. Au fil des crises, les droits sont remplacés par des aides sociales ciblées, conditionnées, familiarisées, stigmatisantes, complexes à mettre en œuvre, qui ne font qu’assujettir les individus. Aides sociales non contributives qui absorbent l’équivalent de l’impôt sur le revenu et de ce qui reste de l’impôt sur la fortune soit autour de 100 milliards d’euros.

En quatre décennies on est passé « d’un système de Sécurité sociale fondé sur le principe de solidarité à une protection sociale fondée sur la charité publique. » Alain Supiot [1]

En outre cette redistribution verticale purement curative divise la société en citoyens de seconde classe, les ayants-droits d’un côté et les contributeurs de l’autre, véritable apartheid social où ceux qui réussissent s’arrogent le droit de dire aux perdants comment ils doivent dépenser le peu d’aides que l’État leur octroie, tout cela pendant qu’une petite minorité fait sécession à coup d’optimisation fiscale.

Apartheid social encore renforcé par la loi « plein emploi » qui conditionne l’allocation du RSA à 20 heures d’activité et qui accroit le contrôle sur les bénéficiaires ce qui ne fera à terme qu’exclure encore davantage de personnes de cette aide, les plongeant dans la misère et l’exclusion.

Vers une redistribution horizontale avec une allocation universelle d’existence

Avec une allocation universelle et inconditionnelle il s’agit de transformer cette aumône d’État qui assujettit en l’exercice d’un droit émancipateur en substituant à cette redistribution verticale, inefficace pour sortir de la dépendance et de la pauvreté, une redistribution horizontale. Redistribution où chacun reçoit cette allocation et contribue en même temps à son financement en fonction de ses revenus et de son patrimoine. Cette allocation doit être d’un montant suffisant pour se substituer à toutes les aides conditionnées existantes. Cette redistribution horizontale sera administrée par une branche de la Sécurité sociale, notre caisse commune.

Le corps social dans son ensemble est très riche : 1600 milliards de revenus primaires et surtout autour de 15 000 milliards de patrimoine net privé, mais les revenus comme le patrimoine sont très inégalement répartis. Avec cette redistribution où l’allocation universelle agit comme un impôt négatif, l’ensemble du corps social n’est ni plus pauvre ni plus riche, seul les plus aisés contribueront davantage qu’actuellement, sans que cette contribution soit confiscatoire.

Bilan redistribution avec AUE

(avec les paramètres de la contribution:CAUE et TAN indiqués ci-dessus )

Cliquez sur le tableau

Le tableau ci-dessus montre qu’en fonction des revenus et du patrimoine des différentes catégories de la population, avec une allocation de 1000 €, une contribution moyenne de 30 % sur les revenus et autour de 2 % par an sur le patrimoine, plus de 90 % de la population verrait sa situation s’améliorer ; seuls moins de 10 % des plus riches seraient davantage sollicités. L’effort supplémentaire pour les plus aisés représente seulement une contribution de 80€ sur les 1000 € de l’allocation pour une augmentation des revenus de l’ordre de 213 € par mois par personne en moyenne pour 90 % de la population.


L’ALLOCATION UNIVERSELLE : COÛT ZÉRO, BÉNÉFICES INFINIS

Une fois mise en place cette caisse commune administrée par une nouvelle branche de la Sécurité sociale qui remplacerait l’actuelle CAF et qui distribuerait à toutes les étapes de la vie, de la naissance à la mort, de quoi répondre aux nécessités vitales, il est possible de réorganiser les autres branches (retraites, assurance maladie, allocations familiales) autour de ce pilier central.

On le répète il n’en coûterait rien au budget de l’État, celui-ci n’ayant plus à dépenser un pognon de dingue (l’équivalent de l’Impôt sur le revenu et de ce qui reste de l’IFI) dans des aides curatives, le corps social dans son ensemble ne serait ni plus riche ni plus pauvre puisqu’il s’agit d’une redistribution interne à celui-ci.

Par sa simplicité et son inconditionnalité il permet d’en finir avec les politiques de contrôle pour aller vers l’accompagnement des personnes en difficulté.

Par sa fonction fortement redistributive il permet aussi de résoudre à la fois le problème de la charge du régime de retraite par répartition ainsi que d’aller vers une assurance maladie intégrale à 100 % sans augmenter le poids des cotisations à la fois des salariés comme des employeurs.

Avec les enfants plus besoins d’être aidé

En France malgré les allocations familiales et les différentes aides complémentaires, (PAJE, ARS, Allocation parents isolés, etc…) près de 3 millions d’enfants de moins de 18 ans, soit 21 % des jeunes sont considérés comme pauvres (15 % pour les familles avec 2 parents et plus de 40 % pour les familles monoparentales).

L’allocation d’existence, à la naissance de 1800 € et dès le premier enfant de 350 € jusqu’à 14 ans et 500 € de 14 à 18 ans, se substitue avantageusement à toutes les aides existantes et permet d’en finir avec la précarité. Elle permet aussi à une maman solo de concilier obligations familiales et exercice d’une activité rémunérée.

Un revenu d’autonomie pour les jeunes

Les jeunes de 18 à 25 ans sont la catégorie la moins aidée et beaucoup vivent dans la précarité, avec un taux de pauvreté 4 fois supérieur à celui des personnes de plus de 60 ans, alors qu’il s’agit d’une période particulièrement difficile en terme de choix de vie. Avec 900 € par mois, véritable dotation tremplin, c’est pouvoir envisager des études sans devoir travailler tout en étant autonome. C’est pouvoir tenter des expériences professionnelles, affronter des échecs et rebondir.

Avec cette solidarité universelle il est possible d’en finir avec cette précarité imposée de manière scandaleuse aux jeunes générations qui les entrave dans leur parcours de vie.

Le financement des retraites n’est plus un problème 

L’allocation universelle assure à chacun et chacune indépendamment de l’activité professionnelle une retraite de base de 1200 €.

  • Elle remplace avantageusement l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) qui est conjugalisée et conditionnée aux revenus et cette allocation assure à elle seule 75 % de la moyenne des retraites actuelles (1500 €) ;
  • Un seul régime de retraite par répartition, le régime de base par exemple, pourra compléter cette retraite universelle et offrir une pension largement supérieure aux retraites actuelles tout en soulageant la charge sur les salaires ;
  • Elle corrige l’inégal accès au marché du travail et les inégalités de genre des salaires et des carrières professionnelles ;
  • Elle exerce, en l’amplifiant, la fonction redistributive du système de retraite actuel ;
  • En proposant une solution pérenne, elle permet dans finir avec les contre-réformes des retraites, dont la dernière en date vise à repousser de deux ans l’accès au droit à une retraite et à allonger la durée de cotisation.

Vers une couverture maladie universelle à 100 %

Avec la diminution du montant des cotisations pour la retraite, il est possible d’envisager d’augmenter le taux de cotisation pour l’assurance maladie, taux qui pour les actifs et les retraités intégrerait à la fois la CSG et la cotisation pour une assurance complémentaire privée ou pour une mutuelle dont le montant dépend des risques et de l’âge.

Ainsi avec une cotisation de 20 % sur l’ensemble des revenus d’activité (répartie entre employeurs et salariés) on peut escompter une enveloppe de plus de 250 milliards d’euros[2]. Cela permet de couvrir l’ensemble des dépenses de santé sans avoir à recourir à des mutuelles complémentaires.

Une allocation émancipatrice

Ce revenu socialisé dissocié de l’emploi individuel permed’aller vers la civilisation du temps libéré chère à A. Gorz avec un meilleur partage des emplois et une réduction drastique du chômage avec la réduction du temps de travail. Pour cela lorsqu’on est au SMIC on doit pouvoir, avec le revenu universel, gagner plus en travaillant moins pour vivre mieux. Il permet aussi d’envisager une transition écologique vers un monde plus frugal, à la fois respectueux des êtres humains comme de l’environnement et des ressources terrestres, il doit offrir la possibilité à chacun de faire les choix les plus pertinents pour la collectivité, tant dans son rôle de producteur comme celui de consommateur. Quand la vie n’est plus soumise au chantage de l’emploi et de l’argent, le revenu universel permet de se libérer d’une économie productiviste nocive pour l’environnement pour aller vers une économie plus qualitative.

Il permet aussi de dire non à des conditions dégradantes tant au sein de la famille que comme dans la sphère de l’entreprise. Enfin avec cette véritable assurance vie universelle, le stress, les addictions, les violences diminueront et la santé psychique comme physique s’améliorera.

Il s’agit de construire un État social qui mise intelligemment sur l’épanouissement du capital humain plutôt que sur l’astreinte d’un emploi non choisi. Philippe Van Parijs, philosophe, fondateur du B.I.E.N (Basic Income Earth Network.)

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Face aux mutations en cours dans le monde du travail comme aux défis environnementaux à surmonter dans les années à venir, on ne peut plus continuer à faire de la diversion, à temporiser, il faut s’attaquer au plus vite à une réforme systémique de la protection sociale.

Cette nouvelle véritable Sécurité sociale universelle peut et doit constituer le premier dénominateur commun d’un programme de gouvernement, encore faut-il qu’elle permette à toutes et tous de s’affranchir de la charité publique comme privée qui vous oblige. Car il ne peut y avoir de liberté ni de démocratie réelle sans égale considération, sans égalité des droits humains et sans la solidarité des uns envers les autres pour garantir l’égale participation à la vie sociale et politique de l’ensemble des citoyenspour faire pleinement son métier d’homme[3] pour pouvoir choisir, pour pouvoir agir tant qu’il est encore temps avant d’être contraint à ne manger que du malheur.


Pour compléter :

BILAN D’UNE REDISTRIBUTION HORIZONTALE AVEC L’AUE

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[1] Alain Supiot : Des urnes au travail, nous assistons à la sécession des gens ordinaires – Le Figaro, 22/07/2022

[2] Les dépenses de santé en 2023 se sont élevées à 249 milliards d’euros ( DREES : 21/11/2024 )

[3] Albert Camus dans la peste