Loïc Damey nous invite ici à tirer profit des avantages du système capitaliste en instaurant un revenu universel par taxation des revenus du capital afin d’instaurer un cercle vertueux.

Plutôt que de vouloir supprimer le problème, cherchons sa solution. Le capitalisme possède certaines qualités connues et d’autres insoupçonnées. Supprimer le capital peut se révéler moins pertinent que d’adapter le système afin de profiter de ses avantages.

Dans une démarche de prospective exploratoire, nous recueillons les tendances lourdes de répartition des revenus. Puis, face au constat du cercle vicieux des cotisations sociales assises sur les salaires, nous proposons trois scénarios de financement basés sur les revenus du capital.

A l’issue de notre étude, nous proposons de modifier notre vision systémique pour voir émerger un cercle vertueux.

1. Evolution des revenus du travail

Nous constatons une tendance mondiale de baisse de la part des revenus du travail dans le PIB, à l’avantage des revenus du capital. Cette modification de répartition est contestée par des syndicats et des partis politiques qui y voient un accaparement des ressources au profit de certains, générant précarité et pauvreté des travailleurs.

Or, comme nous pouvons le voir, ce phénomène n’est pas une exception française qu’il faudrait corriger. C’est une évolution mondiale, qui devrait encore se poursuivre.

Part du revenu allouée au travail ajustée dans les pays développés

Source : rapport mondial sur les salaires 2014/15, Organisation internationale du travail

Part du revenu allouée au travail ajustée dans des pays de l’Europe du sud

Source : rapport mondial sur les salaires 2014/15, Organisation internationale du travail

Part du revenu allouée au travail non ajustée en Chine

Source : rapport mondial sur les salaires 2014/15, Organisation internationale du travail

Pour essayer de comprendre cette tendance, observons le lien avec le nombre d’heures travaillées depuis 1950. L’Insee a montré au Japon, aux Etats Unis et en Europe une baisse très significative des heures travaillées. En France, la durée annuelle de travail est passée de 2300 heures en 1950 à 1400 heures en 2008.

La diminution de la part du travail dans le PIB s’explique en partie par l’accroissement de l’intensité capitalistique. Le processus de substitution du travail par le capital permet de produire autant avec moins de travail humain1.

Les durées annuelles de travail

Source : Insee

2. Les logiques de financement

Les cotisations sociales sont principalement assises sur les revenus du travail. Or en considérant que les revenus du travail s’amenuisent, logiquement les prestations sociales ne pourront plus être financées.

Face à cela, les taux de prélèvement sur les salaires sont continuellement relevés, jusqu’à pénaliser la compétitivité, générant par la suite des pertes de marchés et donc du chômage.

Nous voyons donc ici un cercle vicieux puisque le chômage implique plus de dépenses sociales et moins de cotisations sociales.

Le cercle vicieux

Nous sommes confrontés à des bouleversements économiques. La révolution numérique nous apporte des opportunités en nous libérant du temps libre. Cependant notre système n’est pas résilient car il contraint certains au non emploi et d’autres au sur-travail.

La prépondérance des revenus du capital dans la distribution des richesses n’est pas fondamentalement problématique. Des ajustements sont toutefois nécessaires pour maintenir les acquis sociaux.

Si l’intensité capitalistique se poursuit, au point de voir les revenus du capital dépasser les revenus du travail, nous devons réfléchir à la légitimité d’adosser totalement les cotisations sociales de base (minima sociaux) sur les revenus du capital.

3. Variables et hypothèses

Dans nos scénarios, nous considérons que les cotisations sociales sur les revenus du capital ne sont voués qu’à financer les minima sociaux.

Le fonctionnement de la sécurité santé de base, des aides au logement et allocations familiales reste inchangé.

Les cotisations obligatoires pour les allocations chômage et les pensions de retraite de base sont supprimées.

Des assurances complémentaires facultatives peuvent être contractées et donc déduites des revenus du travail : santé complémentaire, retraite complémentaire, chômage complémentaire. Ainsi, des travailleurs peuvent s’assurer pour ne pas perdre trop de pouvoir d’achat pendant les périodes de chômage et de retraite.

En France, les revenus du capital sont imposés à travers l’impôt sur les bénéfices des sociétés, au taux normal de 33,33%. L’impôt sur le revenu et la CSG taxent à la fois les revenus d’activités et du patrimoine.

En tenant compte de la baisse du coût du travail générée, puisque les cotisations de base obligatoires chômage et retraite sont supprimées, nous choisissons de porter le taux d’imposition des bénéfices des sociétés à 50% des revenus du capital. De même, le taux de prélèvement sur les revenus du patrimoine est fixé à 50%.

Nous étudions trois scénarios, pour déterminer quelle peut être l’allocation versée en fonction de la part du revenu du capital dans le PIB.

Tendance actuelle de la répartition des revenus en fonction du PIB

Evolution de la part des cotisations sociales supposées en fonction des profits

Scénario 1

La part de revenu du capital représente 33% du PIB, comme en 1980 en France.

Pour un PIB de 2200 Milliards d’euros en 2016, la somme collectée se chiffre à 363 Mds €.

Cotisations = PIB x Part x Taux = 2200 x 33% x 50% = 363 Mds €

En répartissant cette somme sur la population française (66 millions d’habitant) nous arrivons à 458 euros par habitant par mois.

Allocation = Cotisations / population / mois = 363 Mds € / 66 millions / 12 mois = 458 €

Scénario 2

Dans quelques années, peut être en 2030, les courbes se croisent donc le revenu du capital représente 50% du PIB.

Selon le même calcul que précédemment, la somme collectée se monte à 550 Mds €, ce qui correspond à 694 euros par habitant par mois.

Scénario 3

Le rapport s’est inversé, la part du revenu du capital représente 67% du PIB.

La somme collectée se monte à 737 Mds €, ce qui correspond à 930 euros par habitant par mois.

4. Un changement de paradigme

A travers cette démarche prospective, nous pouvons extrapoler sur la soutenabilité d’un financement des minima sociaux par des prélèvements sur les revenus du capital. En effet, le deuxième et le troisième scénario montrent une redistribution sociale supérieure aux minima sociaux actuels.

Comme nous pouvons le constater dans nos scénarios, l’évolution des cotisations sociales est proportionnelle aux profits. Ainsi, plus les profits augmentent, plus les cotisations sociales augmentent.

En France, le barème des minima sociaux s’étale entre 348 € et 807 €2. Le montant moyen de la retraite de base est de 663 €3 et le montant médian de l’allocation mensuelle d’assurance chômage s’élève à 970 € net4.

Nous observons une convergence entre la multitude de prestations sociales et le montant des allocations qui peuvent être versées dans les scénarios 2 et 3.

Si nous considérons la possibilité de substituer des cotisations sociales salariales par des prélèvements sur les revenus du capital, alors nous pouvons imaginer un cercle vertueux.

Les licenciements favorisent les gains de productivité, qui augmentent les profits. La part des revenus du capital dans le PIB augmente. Les profits supplémentaires sont répartis entre les propriétaires et la population à travers une prestation sociale qui peut être universelle. Puisque chacun a un revenu minimum assuré, les licenciement sont facilités, ce qui permet de réaliser de nouveaux gains de productivité.

Le cercle vertueux

A l’heure où les belles idées utopistes se heurtent au mur du financement, nous proposons une nouvelle vision stratégique.

Sous certaines conditions, le capitalisme peut se révéler être un modèle gagnant-gagnant.