Apparentée écologiste à l’Assemblée Nationale, Isabelle Attard est députée de la cinquième circonscription du Calvados depuis juin 2012. Elle participa à la création du parti Nouvelle Donne fin 2012, dont elle fut vice-présidente jusqu’au 21 juin 2015, date à laquelle elle a quitté ce parti. Isabelle Attard est une partisane du revenu de base qui, selon elle, devrait prendre la relève du RSA. Voir ici son intervention lors du colloque sur le revenu de base organisé au Sénat le 19 mai dernier. Et ici cette prise de position sur son blog : « Quand le revenu de base permettra à tous les enfants de partir en vacances ».

Aujourd’hui, lors des questions au Gouvernement, elle a demandé à Myriam El Khomri, ministre du travail, ce que compte faire le Gouvernement pour permettre d’expérimenter le revenu de base en France. La ministre a renvoyé la réflexion à la commission Sirugue sur les minimas sociaux.

A noter que le MFRB sera reçu demain par la commission Sirugue pour lui remettre ses recommandations sur le revenu de base. Nous en reparlerons dans les prochains jours.

Retranscription

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.

Mme Isabelle Attard. Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, tout n’a pas été essayé contre le chômage. Nous voterons cet après-midi la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée, et nous pouvons nous en féliciter.

Il existe une autre solution contre le chômage : le revenu de base. C’est un droit inconditionnel, cumulable et distribué par une communauté à tous ses membres, sans contrôle des ressources ni contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement.

M. Bernard Accoyer. Comment le financez-vous ? Par la dette, comme d’habitude ?

Mme Isabelle Attard. Notre système de protection sociale est trop souvent injuste. Nous mettons en place des allocations et les bénéficiaires n’y accèdent pas. Seuls 33 % demandaient le RSA activité. Le Gouvernement se félicite d’avoir atteint 50 % lors de son remplacement par la prime d’activité. C’est mieux, mais comment nous satisfaire de laisser une personne sur deux passer à côté ? Combien de Français en situation précaire ne touchent aucune aide parce qu’ils dépassent un seuil arbitraire de quelques euros ? Enfin, nous assignons une armada de fonctionnaires au contrôle de paperasses, alors que tant de services publics bien plus utiles pourraient bénéficier de leur précieuse présence.

Notre pays souffre du manque de solidarité. Tous ces problèmes peuvent être résolus par la création d’un revenu de base. Nous avons probablement tous chanté : « Aujourd’hui, on n’a plus le droit ni d’avoir faim ni d’avoir froid ». Alors que la France n’a jamais été aussi riche, la conclusion s’impose d’elle-même : notre société doit répartir les richesses pour fournir à chacun le minimum vital. Les expérimentations à l’étranger sont nombreuses et bien documentées. Les effets bénéfiques du revenu de base sont connus : meilleure scolarisation, diminution du nombre d’arrêts maladie et, surtout, développement de l’entrepreneuriat.

Madame la ministre, vous avez dit : « Le revenu universel est une belle idée qu’il faut étudier ». Que compte faire le Gouvernement pour mettre en place rapidement des expérimentations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomriministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, vous l’avez rappelé, la proposition de créer un revenu universel suscite beaucoup d’intérêt, lequel dépasse d’ailleurs les bancs de cette assemblée. Le rapport qui m’a été remis début janvier par le Conseil national du numérique aborde la question de la création d’un revenu de base. L’idée est séduisante, vous l’avez dit, mais la création d’un tel revenu comporte des enjeux très lourds.

Ces enjeux concernent bien sûr notre modèle social ; ils sont aussi financiers, nous ne pouvons pas le nier. Si nous prenons ce projet et son financement au sérieux, alors, nous devons veiller à son articulation avec notre système de protection sociale, nos mécanismes de solidarité sociale et notre fiscalité et à l’impact qu’il aurait sur eux. Il nous faut en effet être vigilants pour que cette idée n’ouvre pas la voie à une protection sociale à deux vitesses, avec un filet de sécurité minimal pour les uns et des fonds de pension et des assurances privées pour les autres.

Nous travaillons déjà à adapter notre modèle de société aux évolutions du marché du travail et aux transformations sociales. Le Gouvernement a en effet engagé une série de mesures – vous l’avez rappelé. Vous avez évoqué l’aide au retour à l’emploi ; il y a aussi la prime d’activité. Dans le projet de loi que je vous présenterai, nous débattrons du contenu concret du compte personnel d’activité, dont la philosophie est nouvelle : attacher les droits au travailleur et lutter contre la pauvreté des travailleurs. Je pose aussi la question de la valorisation et de la reconnaissance de l’engagement que poursuit Patrick Kanner et qui trouvera un écho dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

La réflexion doit donc se poursuivre : cela pourra se faire dans le cadre des travaux de la mission que le Premier ministre a confiée à votre collègue Christophe Sirugue sur les minima sociaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)


Source : Assemblée nationale