En octobre 2016 était adopté à l’unanimité au Sénat, par des élu-e‑s de gauche comme de droite, le rapport d’information de M. Daniel Percheron intitulé : Le revenu de base en France de l’utopie à l’expérimentation. Celui-ci préconisait notamment l’expérimentation d’un revenu de base en France qui « prenne place, pour une durée de trois ans, sur plusieurs territoires situés dans des départements volontaires. » 

Depuis, il a été mis sur le devant de la scène lors de la campagne présidentielle notamment par Benoît Hamon. En l’espace d’un an, le revenu de base universel a gagné en crédibilité. Il pourrait devenir l’une des principales solutions proposées pour pallier aux manques de notre système de protection sociale et répondre aux transformations de nos sociétés.

Des citoyen·es et élu·es à l’initiative des expérimentations

C’est ainsi que le 26 novembre, huit présidents de conseils départementaux ont annoncé via une tribune dans le Journal du dimanche qu’ils souhaitaient expérimenter le revenu de base sur leur territoire. Cette annonce intervient quelques semaines après le lancement d’une expérimentation citoyenne de revenu de base financée de manière participative. 

Le projet intitulé Mon Revenu de Base, porté notamment par Julien Bayou, porte parole d’Europe Ecologie-Les Verts, se fixe pour objectifs de « montrer que l’idée d’un revenu distribué à tout le monde et de manière inconditionnelle n’a rien d’impossible » et de « contribuer à démontrer les bienfaits humains, sociétaux et économiques du revenu universel. » Notons qu’en deux jours, l’initiative avait déjà récolté plus de 12 000€, permettant ainsi de financer un premier revenu de base par tirage au sort. Cet engouement témoigne d’un soutien important pour le sujet en France. 

Cette expérimentation citoyenne, soutenue par le MFRB (Mouvement français pour un revenu de base), est cependant consciente de ses limites. L’un des objectifs de M. Bayou et de l’équipe de Mon Revenu de Base est ainsi également de promouvoir le passage d’une loi permettant une expérimentation plus large sur des territoires, comme préconisé par le rapport sénatorial.

Les expérimentations (université d'été 2017 du revenu de base)
Table-ronde « Les expérimentations, une étape possible vers l’instauration » lors de l’université d’été 2017 du MFRB.


Ces deux initiatives indépendantes et différentes sur la forme se rejoignent sur un point :
la nécessaire expérimentation du revenu de base. La tribune des présidents de conseils départementaux appelle notamment à stopper l’élaboration de réformes « hors sol » pour les confronter enfin à la réalité. Ils souhaitent aussi « passer de l’étude en laboratoire au test in vivo en portant un projet d’expérimentation au Parlement ». Ceci entre en résonance avec la volonté du Président de la République, affichée lors du 100ème congrès des maires, de réformer la Constitution pour assouplir le droit à l’expérimentation. Les huit présidents de départements ont été rejoints le 28 novembre par Germinal Peiro, Président du Conseil départemental de la Dordogne. 

« Les départements, chefs de file des politiques de solidarités humaines et territoriales dans notre pays, ont le devoir d’essayer de nouvelles pistes pour faire reculer la précarité. » (Germinal Peiro, Président du Conseil départemental de la Dordogne)

Il souhaite ainsi rejoindre cette expérimentation de revenu de base qui pourrait être une solution face à l’échec notamment du RSA (Revenu de solidarité active), mais également un levier pour « responsabiliser le citoyen quant à son engagement dans la société. »

Cette volonté d’expérimenter affichée par les départements semble d’autant plus pertinente lorsque l’on s’intéresse à la diversité des territoires concernés. Lors de l’université d’été du MFRB d’août 2017 dans le Gers, Philippe Martin, président du Conseil départemental, avait annoncé sa volonté d’expérimenter un revenu de base pour répondre à la situation très difficile des agriculteur·rices sur son territoire. La comparaison des effets d’une telle mesure avec, par exemple, la Seine-Saint Denis, département urbain, ancienne terre industrielle très touchée par le chômage, nous semble particulièrement pertinente.

Philippe Martin (Président du Gers)
Philippe Martin (Président du Gers), à l’université d’été 2017 du revenu de base


Une expérimentation ciblée sur un seul territoire, bien que pertinente, nous priverait de la possibilité de saisir tous les enjeux et résultats socio-économiques (rapport au travail, à la ville, à la production, à l’alimentation, à l’habitat…) d’une telle mesure
.

Il est donc plus que positif que la Gironde, département précurseur dans les projets d’expérimentations, par l’intermédiaire de son président Jean-Luc Gleyze, ait trouvé sept alliés pour porter cette volonté de passer à la pratique.

Une volonté partagée de passer à l’acte

Le MFRB, mouvement transpartisan, est actif, depuis sa création en 2013, auprès des élu·es de toutes sensibilités politiques pour leur fournir des informations sur le revenu de base et les accompagner dans leur réflexion sur le sujet. Nous remarquons, depuis un an et depuis la publication du rapport sénatorial sur le sujet, une volonté accrue de réfléchir activement à des projets d’expérimentations concrètes. Nos rencontres avec des député·es de différentes couleurs politiques, nos liens étroits avec certaines mairies souhaitant expérimenter au niveau d’une commune, le projet citoyen de « Mon revenu de base », en témoignent. Mais également les positions de grandes organisations de lutte contre la pauvreté et la précarité comme ATD Quart Monde, l’UNICEF et même le Haut commissariat des nations unies pour les droits de l’Homme font état d’une volonté commune et largement partagée de passer de la théorie à la pratique. L’appel et l’étude lancés par ces présidents de conseils départementaux vont dans ce sens. 

C’est pourquoi nous, MFRB, soutenons activement les présidents des départements Jean-Luc Gleyze (Gironde), André Viola (Aude), Henri Nayrou (Ariège), Philippe Martin (Gers), Mathieu Klein (Meurthe-et-Moselle), Georges Méric (Haute-Garonne), Jean-Luc Chenut (Ille-et-Vilaine), Stéphane Troussel (Seine-Saint-Denis) dans leur projet, ainsi que Germinal Peiro (Dordogne) qui a énoncé le souhait de rejoindre la démarche.

Mesdames et messieurs les élu·es, Monsieur le Président de la République, vous qui préparez un plan d’action contre la pauvreté. Vous qui souhaitez assouplir le droit à l’expérimentation. Nous vous enjoignons à écouter citoyen·es, élu·es, organisations et institutions qui appellent à l’expérimentation d’un revenu de base sur les territoires. Nous vous proposons d’adopter une loi permettant aux huit départements qui le demandent d’avoir les moyens de mettre en place une expérimentation de revenu de base.