Le 31 mai dernier, une mission commune d’information (MCI) a été créée pour réfléchir à la question du revenu de base, réunissant 27 sénateurs de différents partis politiques. Depuis sa création, la mission a auditionné divers acteurs directement liés à la thématique du revenu de base pour débattre de l’intérêt de cette idée et des formes possibles de mise en place. Moins d’un mois avant la publication du rapport, nous nous sommes entretenus avec le président de la MCI, Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur et membre du MODEM.

Le débat autour du revenu de base n’a cessé de prendre de l’ampleur en France. Il est vrai que sur le plan politique, l’idée est soutenue par des représentants de gauche (Delphine Batho, Manuel Valls, Benoît Hamon…), comme de droite (Frédéric Lefebvre), en passant par les Verts (Karima Delli, Cécile Duflot…). « Le sujet s’est imposé dans le débat actuel sur la lutte contre la pauvreté et la recherche du plein emploi. Il est normal que le Sénat s’en saisisse » estime M. Vanlerenberghe.

Le Sénat a effectivement multiplié les auditions sur ce sujet depuis sa création, dans le but d’avoir une vision d’ensemble et de récolter le maximum d’information : « Avant tout nous voulions faire l’état des lieux : définir les objectifs et les projets des principales associations dont le MFRB, écouter les partenaires sociaux et politiques et rencontrer, en Finlande et aux Pays-Bas, les instigateurs des expériences en cours et à venir », a t‑il déclaré. Les sénateurs ont d’ailleurs pris leur tâche très au sérieux puisqu’ils ont tenu à se rendre en Finlande pour rencontrer les responsables de l’expérimentation finlandaise, en particulier M. Olli Kangas, professeur et directeur de l’agence de protection sociale KELA.

Les échanges au cours de ces auditions ont été très riches et animés, tant pour les Sénateurs que pour les personnes auditionnées. « Ils furent et sont encore de grande qualité et d’une grande franchise ; ils nous ont permis de clarifier ce que souhaitaient les partisans du revenu de base et les modalités notamment financières et fiscales pour le mettre en œuvre » indique Jean-Marie Vanlerenberghe. C’est également l’avis de Jean-Éric Hyaffil, doctorant en économie, qui avait été auditionné au nom du MFRB : « Le revenu de base semble simple, mais c’est en fait un objet très complexe puisqu’il peut toucher à une multitude d’aspects de la vie économique et sociale. La mission d’information a auditionné une multitudes d’acteurs venant d’horizons très divers pour donner forme à ses aspects : les syndicats pour le lien avec le travail, les associations de lutte contre la pauvreté, mais aussi des économistes comme Daniel Cohen ou Jean Pisani-Ferry qui mettent en évidence les bouleversement du travail liés à l’automatisation, des philosophes comme Philippe Van Parijs, Baptiste Mylondo ou Gaspard Koenig pour essayer de re-questionner le sens du travail ».

Il est à présent possible de parler d’une véritable impulsion européenne, à l’heure où la Finlande et les Pays-Bas préparent des expérimentations qui devraient être lancées dès 2017. La France pourrait être le prochain pays à se lancer dans de tels projets.

Alors que durant des décennies, le revenu de base était surtout perçu comme une utopie inatteignable, les avancées de ces derniers mois, tant sur le plan parlementaire qu’au niveau de la diffusion de l’idée, nous prouvent le contraire. En témoigne le sondage IFOP, indiquant que 60 % de la population française est favorable au revenu de base, de même que les propositions concrètes de financement étudiées par Baptiste Mylondo, Marc de Basquiat ou encore Jean-Éric Hyafil notamment. « Dans le meilleur des cas c’est une réalité de demain. Cela suppose que la population qui en supportera le coût soit persuadée de ses bienfaits »,  souligne le sénateur du Pas-de-Calais. 

Pourquoi pas alors une expérimentation dans les Haut-de-France ? Alors que la Nouvelle-Aquitaine prépare son projet-pilote, en vue d’une mise en place pour fin 2017 – début 2018, des discussions entre Frédéric Lefebvre et Xavier Bertrand ont déjà été menées sur la possibilité d’expérimenter le revenu de base dans le nord de la France. Ce dernier indiquait y réfléchir sérieusement. Une idée que semble soutenir également Jean-Marie Vanlerenberghe : « C’est en effet une piste que nous explorons, néanmoins l’expérimentation sociale pour être fiable doit être préalablement définie quant à son objet précis et concerner un échantillon de population représentatif de toute la France. »

Cette mission commune d’information a été demandée à l’initiative de Daniel Percheron, sénateur du Pas-de-Calais et ancien Président de la Région Nord Pas-De-Calais, rapporteur actuel de la mission. Il faut par ailleurs souligner l’important travail de lobbying du MFRB débuté lors du colloque organisé en mai 2015 au Sénat, qui aura permis de placer le revenu de base au coeur du débat parlementaire.

Le rapport du Sénat sur le revenu de base est attendu pour la mi-octobre. Sans connaître encore les conclusions qui en seront tirées, il est déjà possible d’imaginer que ce rapport marquera certainement une nouvelle étape pour l’évolution des débats autour du revenu de base en France.


Illustration : Sénat.